Parmi les découvertes les plus surprenantes que l’on puisse faire en généalogie, il y a la notion selon laquelle nous serions tous descendants de Charlemagne, l’un des souverains les plus emblématiques de l’histoire européenne. Cette idée peut sembler incroyable, mais elle repose sur des principes fascinants.
Dans cet article, nous allons explorer comment cette théorie est née, les preuves qui la soutiennent, et ce que cela signifie pour notre propre héritage généalogique.
Papi Charles Charlemagne
Vous avez certainement entendu parler de Charles Ier le Grand, que vous connaissez plus sous le nom de Charlemagne. Au VIIIe et IXe siècle, ce célèbre monarque était à la fois roi des Francs et empereur d’Occident. Issu de la dynastie Carolingienne et fils de Pépin le bref, notre cher Charlemagne vit le jour en 742. Il régna sur un immense empire qui s’étendait sur une bonne partie de l’Europe occidentale. Avec ses conquêtes militaires, il avait pour ambition de restaurer l’unité de l’Empire romain d’Occident. Son règne fut une véritable période de renouveau politique, culturel et économique. C’est pourquoi il est considéré comme l’une des figures les plus importantes de l’histoire européenne. Le « Père de l’Europe ». Son héritage perdure encore aujourd’hui et nous le portons tous en partie !
Des descendants de charlemagne qui se divisent
Après le décès de Charlemagne en 814, ses fils et petits-fils lui ont succédé sur le trône. Leurs règnes furent marqués par des luttes de pouvoir et des divisions territoriales, affectant profondément la descendance de Charles.
Louis le Pieux, le fils aîné de Charlemagne, devint empereur d’Occident à sa suite. À sa mort en 840, ses trois fils, Lothaire, Louis et Charles, se partagèrent l’empire lors du traité de Verdun. Cette division territoriale eut évidement des conséquences majeures sur l’histoire et la lignée de Charlemagne.
Lothaire hérita de la partie centrale de l’empire, comprenant la Francie médiane et l’Italie. À sa mort en 855, ses territoires furent aussi, divisés entre ses fils, donnant ainsi naissance à des dynasties distinctes.
La Francie occidentale, qui correspond grosso modo à la France actuelle, fut gouvernée par les descendants de Charles le Chauve. La Francie orientale, l’Allemagne et une partie de l’Europe de l’Est, fut aux mains des descendants de Louis le Germanique.
Les femmes transmettent son sang
Au fil des générations, les alliances matrimoniales contribuèrent à étendre la descendance de Charlemagne. Les descendants de ses fils et petits-fils fondèrent de nouvelles dynasties émergentes à travers toute l’Europe. Bien que la lignée mâle ne perdurât pas plus de 200 ans, c’est par les femmes que le sang carolingien continua à couler dans les veines de l’Europe.
Parmi les descendants de Charlemagne, on trouve les Robertiens en France, qui furent à l’origine de la dynastie des Capétiens, et les Ottoniens en Allemagne, fondateurs du Saint-Empire romain germanique. Ces dynasties jouèrent un rôle crucial dans la consolidation du pouvoir royal en Europe. Elles engendrèrent d’autres lignées se revendiquant comme des descendants de Charlemagne. Vous vous doutez bien que, revendiquer une ascendance carolingienne affirmait une filiation prestigieuse et renforçait sa position sociale et politique. Les maisons royales et nobles ne manquaient pas d’établir des liens matrimoniaux avec d’autres familles revendiquant une descendance carolingienne pour consolider leur statut et leur pouvoir.
Il est toutefois important de noter que ces revendications généalogiques étaient parfois entourées de légendes et de mythologie. À une époque où les documents historiques étaient limités et où la tradition orale jouait un rôle prépondérant, il était souvent difficile de prouver de manière indéniable ses liens de parenté avec “l’empereur à la barbe fleurie”.
Une ascendance contestable
Bien que nous ne puissions pas prouver de façon certaine et documenté, notre filiation avec Charlemagne, permettez-moi tout de même, d’aborder cette question de manière plus mathématique.
Calculons le nombre théorique de nos ancêtres ayant vécu à l’époque de Charlemagne. En considérant que nous avons deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents, et ainsi de suite, et que nous remontons les quelque 40 générations qui nous séparent de Charlemagne, soit environ 12 siècles, nous obtenons un nombre colossal d’ancêtres théoriques, contemporains de l’empereur. Un nombre qui dépasse les 1 000 milliards d’individus (240). Et si nous multiplions cela par la population actuelle de la France, soit plus de 68 millions d’habitants, alors là, nous obtenons un chiffre astronomique !
Cependant, il faut garder à l’esprit que les historiens estiment que la population de l’Empire au IXe siècle se situait autour 8 millions d’habitants. Il y a quelque chose qui ne colle pas !
Alors comment expliquer un tel écart dans les chiffres ?
Les implexes
Cette différence est due en partie aux mariages consanguins – à plusieurs degrés de parenté, sinon l’église n’est pas d’accord – qui font que des individus sont présents plusieurs fois et à des générations différentes dans notre arbre généalogique. Cela crée des duplications de lignées et des connexions multiples, ce que les généalogistes appellent des “implexes” – Lire notre article “Les implexes en généalogie”. Ainsi, le nombre de branches dans notre arbre généalogique se réduit considérablement.
Citons le célèbre exemple de l’ascendance du roi Alphonse XIII d’Espagne et ses 89 % de doublons. À la 11e génération, il a 111 ancêtres distincts alors qu’on devrait en trouver 1024 en théorie.
Le roi de France Louis IX, quant à lui, retrouve pas moins de 500 fois Charlemagne dans son arbre généalogique, alors que seules 12 générations les séparent. Un véritable casse-tête, n’est-ce pas ?
Exemple d’implexe dans mon arbre généalogique :
L’évolution démographique
Il y a un autre facteur à prendre en compte : la croissance démographique.
Au fil du temps, la population mondiale, a connu une croissance considérable depuis le début de l’ère chrétienne. Les historiens estiment qu’elle était d’environ 300 millions de personnes il y a 2000 ans et atteint aujourd’hui les 8 milliards d’individus. Les individus vivants à l’époque du Christ ont à travers les âges, engendré une nombreuse descendance, dont nous faisons partie, tandis que nous n’avons qu’un nombre limité d’aïeux réels qui remontent à cette époque. Cette rupture entre le nombre théorique de nos ancêtres et la population vivante à une époque et un territoire donné, est ce qu’on appelle « l’axe de renversement ».
En l’an 800, du temps de Charlemagne, le nombre d’ancêtres théorique est 125 000 fois plus élevé que la population réellement vivante.
Pas tous fertiles
On peut penser que 100% des habitants à cette époque reculée, sont présents dans l’arbre de notre généalogie. Mais encore une fois, c’est sans compter sur à la fois les implexes, mais également sur les aspects sociétaux.
Prenons le problème dans l’autre sens. Les individus vivant en l’an 800 ont 2 chances sur 3 d’avoir une descendance (on prend en compte la mortalité infantile, l’infertilité, et le célibat). On estime que près de 85% de ses individus fertiles auront une descendance qui vie de nos jours. Ce qui nous donne près de 60 % de la population totale en l’800 qui ont une descendance en 2000.
Cette vision de notre population ancestrale repose sur des théories statistiques. Il faut également prendre en compte de nombreux autres facteurs, tels que les mouvements migratoires et la surmortalité, par exemple. Le nombre d’implexes et a fortiori le schéma de renversement, seront bien différents pour une personne dont une grande partie des ancêtres vivaient de façon endogame sur un territoire restreint, comme c’est le cas des populations montagnardes ou insulaires.
Comme nous l’avons vu précédemment, les découpages territoriaux résultant des successions, des alliances et des guerres, ainsi que les épidémies, ont eu un impact significatif sur l’histoire de chaque famille. Prenons l’exemple fictif de lointains descendants de Charlemagne.
Une demoiselle d’une famille noble déchue suite à des conflits territoriaux est unie à un riche propriétaire terrien. Leur fils à son tour, perd une bonne partie de son héritage dans de mauvais placements. De génération en génération, leur descendance mènera une existence bien plus modeste.
Tous cousins
Dans l’ensemble, nous pouvons affirmer que nous sommes tous cousins et que notre ascendance carolingienne est établie. ” Papi Charles ” a de fortes chances d’être l’un de nos nombreux ancêtres. Reste à en apporter les preuves tangibles…, et pour cela bon courage !
Mais, en mettant à part cette prestigieuse ascendance, il est important de se souvenir que nous descendons également de milliers d’autres individus, bien moins célèbres mais tout aussi fertiles.
Cela met en évidence l’importance de tous nos ancêtres, même ceux dont l’histoire n’a pas retenu le nom.
Pour aller plus loin :
Crédits photos : - Photo de couverture : Illustrations de la Chronique de Nuremberg et les descendants de Charlemagne, par Hartmann Schedel (1440-1514) - Domaine public, via Wikimedia Commons - Charlemagne : Charlemagne, par Albrecht Dürer (1471-1528) - domaine public, via Wikimedia Commons - Généalogie carolingienne et descendants de Charlemagne : Domaine public via Wikimedia Commons - Schéma d'implexe généalogique, Implexe dans mon arbre personnel et Schéma d'axe de renversement : Travail personnel Cédric JAY, Tous droits réservés